CENSEURS ET PROCUREURS
Est paru récemment, dans Blast, une sorte de lettre ouverte à Michel Onfray (MO) qui mérite d’être analysée de près tant elle est exemplaire de ce que peuvent inspirer, à une certaine « gauche », les voix qui ne sont pas à l’unisson de la sienne (il est à propos ici, en préalable, de se reporter à un article antérieur).
Cette « missive », comme l’auteur la qualifie lui-même, est une exécution en règle de cette personnalité intellectuelle et médiatique qu’est MO. Dans ce but, bien sûr, l’emploi de l’ironie est massif – « vous discourez de tout et de rien, et parfois même de rien du tout » – et en particulier avec toute une série d’antiphrases : « cher Michel Onfray » (= Exécrable Michel Onfray) ; « chaque samedi, nous pouvons nous régaler de vos réflexions » (= Vous écouter suscite un dégoût profond) ; « l’éloquence, l’assurance et la retenue qui vous caractérisent » (= l’arrogance et le goût de l’excès qui sont votre marque) ; « un style toujours en subtilité » (= votre épaisseur) ; « ce que vous nommez élégamment » (= votre manière répugnante) ; « en toute modestie » et « une émission sobrement baptisée “Face à Michel Onfray” » (= votre mégalomanie) ; « c’est beau d’avoir du recul » (= Vous êtes d’une parfaite partialité) ; « un immense philosophe » (= un penseur dérisoire et pitoyable ») ; « vous avez subtilement écrit, à propos de Greta Thunberg » (= « vous y êtes allé à la hache ») – sans oublier au passage le coup de patte subsidiaire à cette « grande journaliste » qu’est « la très talentueuse Laurence Ferrari » (= cette journaliste minable) – sans oublier davantage un coup de patte non moins subsidiaire à Philippe de Villiers (PdV), « le vicomte » de Vendée, lequel, comme MO, « discourt de tout et de rien, et souvent même de rien du tout, avec l’éloquence, l’assurance et la retenue qui le caractérisent ».
L’auteur ne manque nullement par ailleurs de s’en prendre à l’abondance de MO : « Vous parlez beaucoup et que vous écrivez encore plus : en consultant la fiche Wikipédia recensant vos œuvres complètes, nous avons dénombré 137 livres écrits ou co-écrits en moins de 40 ans, soit pas loin de quatre par an ». L’attaque porte aussi sur les titres de ces ouvrages, « titres compliqués comme “La danse des simulacres”, “À côté du désir d’éternité” ou “Transe est connaissance” ». Toutefois, c’est sur un autre point que se concentre le réquisitoire : « CNews, où vous évoluez désormais comme un poisson dans l’eau, l’empire médiatique de Vincent Bolloré, milliardaire d’extrême droite » ; « le milliardaire autoritaire et ultra-réactionnaire Donald Trump » (2 fois) ; « la très droitière revue Éléments », « l’ensemble des paniques morales et autres poncifs de l’extrême droite », sans oublier PdV, « le vicomte d’extrême droite » – jusqu’à cette prétérition : « De là à vous considérer, sans plus de cérémonie, comme un énième chroniqueur-éditorialiste d’extrême droite dans une émission d’extrême droite sur un média d’extrême droite, cher Michel Onfray, il y a un pas que nous ne franchirons pas ».
Soyons clair : il est parfaitement permis d’être en désaccord avec MO, permis de ne pas apprécier aussi bien ses idées que sa manière, permis d’être agacé par ses déclarations à l’emporte-pièce ou certains de ses raccourcis (« Jean-Luc Mélenchon et Éric Coquerel ont tué les Gilets jaunes » ; « Donald Trump est le président des Gilets jaunes » ; « la créolisation, c’est le grand remplacement à gauche »), permis également entre autres de regretter une surproduction éditoriale notable, inflation qui se déploie parfois ou trop souvent au détriment du style et donne des ouvrages qui trahissent une certaine hâte, permis enfin de voir en lui une star et non un phare, à savoir de n’estimer pas cet auteur un grand philosophe voire pas un philosophe du tout. Mais l’AO exige une autre attitude et une autre manière que celles du polémiste : elle requiert une étude attentive de tous les éléments pour déterminer où ils se situent par rapport à ce qui constitue la base sur laquelle elle a été bâtie, son Horizontale – la Loi.
PRÉALABLE. — LA LOI.
La Loi : que faut-il entendre précisément par ce concept ? Il est essentiel de le rappeler, même un peu longuement, afin de l’établir comme base impossible à ignorer donc à transgresser.
Ne sont dans le monde que des Différences ; autrement dit, il n’y a dans l’existant que de l’Autre, le Même étant hors la Loi puisqu’objet du Désir, observable au sein du Système le plus rigide (ex. fascisme, nazisme, communisme), où toutes les Différences se trouvent arasées sous la Distance d’un Pouvoir unique et absolu, que celui-ci soit incarné par un chef charismatique (le Duce, le Führer, le Grand Timonier, le gourou) ou par un groupe (le Parti). Mais, en dehors de ce Système relevant du Totalitarisme, prévalent les Différences, lesquelles ont toutes un droit égal à s’épanouir et à s’exprimer. De même que, sur le plan végétal par exemple, peuvent cohabiter sur le même terrain un séquoia et une renoncule, aucune Hiérarchie ne pouvant légitimement être établie entre ces deux plantes, et toutes deux ayant droit au même respect, sur le plan humain deux individus représentent deux Différences entre lesquelles nulle Hiérarchie ne saurait prévaloir, deux Différences irréductibles qui ont le même droit d’accomplir leur Être selon leur logique ou leur génie propre, et qui doivent faire l’objet du même respect, à savoir de n’être ni dépréciées ni censurées.
Premier point à établir donc : MO, PdV, l’auteur de la “missive” et le citoyen qui rédige les présentes lignes sont des Différences, qui ne peuvent être hiérarchisées, qui jouissent d’un droit égal à s’exprimer et à se réaliser, c’est-à-dire qui doivent être inconditionnellement respectées – étant bien entendu que, symétriquement, chacune d’elle est tenue de respecter chacune de toutes les autres et tout aussi inconditionnellement. Il apparaît que définir ainsi la Loi revient à définir le Politique, et en creux, puisque c’est le démarquer de tout ce qui l’oppose au Système, à définir le Religieux.
Il appert au total que la valeur centrale, cardinale, du Politique est le respect : s’interdire toute violence, physique ou verbale, à l’égard de l’Autre en général (le monde en chacun de ses éléments) et d’Autrui en particulier (l’Humanité en chacun de ses membres). C’est assez dire, avec cette notion de respect placée au cœur même du Politique, que l’individu qui se propose d’examiner quoi que ce soit au monde ou de critiquer qui que ce soit parmi ses semblables, s’il est parfaitement fondé en droit à y procéder, ne peut s’y employer qu’en ne perdant jamais de vue que, dans sa démarche, sa méthode et ses propos, il ne doit jamais se départir du respect qu’il doit à tout et à tous autant qu’il est en droit de l’exiger pour lui-même. Autrement dit, le critique doit toujours avoir conscience qu’il est lui-même impliqué, totalement engagé dans sa propre critique.
Que faut-il comprendre par là ?
L’AO, puisque basée sur la Loi et uniquement la Loi, développe une vision tragique de l’Humanité, à savoir qu’elle ne voit celle-ci sortir et ne pouvoir sortir que du pire, à savoir du Désir. Rousseau oppose le Désir (il parle pour sa part de “désirs”) aux besoins : selon lui, tant qu’on s’en tient aux besoins vitaux, tout va bien ; dès qu’on entre dans le Désir, on débouche dans les conflits et les guerres, donc tout tourne mal – c’est le surgissement du mal. C’est parce qu’au fond de l’animal naît progressivement cette force hors la Loi qu’est le Désir (« Il faut que je sois le plus fort, le plus riche, le plus beau ») – ces trois objets du Désir, Pouvoir, Avoir et gloire, étant pris pour l’Être (c’est ainsi définir toute croyance) – c’est parce que naît le Désir que la conscience effectue le saut qualitatif qui permet de parler d’Humanité. Le Désir n’est jamais que le mal et rien que le mal parce que, pour s’emparer des objets du Désir, l’humain, et l’humain seul, franchit ce pas qui n’est jamais franchi par l’animal. Celui-ci en effet reste cantonné dans les besoins et ne se bat jamais avec ses congénères ou avec les individus des autres espèces que pour conserver ou assurer sa vie. Au contraire, l’individu humain, quand même sa vie n’est pas menacée, peut toujours affronter un Rival qui convoite les mêmes objets du même Désir que lui-même, et en perpétrant à son égard, sinon parfois l’élimination physique pure et simple ou attentat contre la vie, toujours au moins ce que l’AO appelle l’attentat ontologique ou attentat contre l’Être d’Autrui, à savoir ce qui n’existe pas dans la nature, même dans le monde animal, la violence (le fameux « Ceci est à moi » de Rousseau, qui implique « J’ai plus que vous donc je suis plus que vous ; vous êtes moins que moi donc vous devez m’obéir, et m’applaudir », etc.)
Or le Désir est toujours présent dans l’humanité, impossible à éradiquer, donc toujours actif dans tout individu. Chacun ne doit jamais perdre de vue qu’à tout instant, il est susceptible d’être saisi et débordé par son propre Désir (ce qui est le cas des plus grands criminels de l’Histoire, définis par ce trait qui leur est commun, et par la majorité du personnel dit politique, ce qui explique la virulence de leurs Rivalités). Garder la conscience de son propre Désir implique la Volonté, celle de le dépasser ou de s’imposer l’Ascèse qui consiste à renoncer aux objets du Désir, afin de n’être jamais soi-même un acteur de la violence, ou son fauteur. Il faut ajouter que le Désir détermine l’intérêt particulier ou le Religieux (« Moi ! Moi ! Moi ! ») tandis que la Volonté est requise pour dépasser le Désir et aller ainsi dans le sens de l’intérêt général, donc édifier le Politique (« Nous ! ») – le Religieux à savoir chacun qui se désire un petit dieu et soumettre tout le monde à cette Transcendance fausse, le Politique à savoir chacun qui veut œuvrer au bien de tous et qui se voue à la Transcendance vraie.
LE STATUT DE L’AUTEUR
Le critique donc, c’est-à-dire celui qui se propose de porter un regard et de tenir un discours sur quelque chose ou quelqu’un, doit, plus que n’importe qui, veiller à observer l’Ascèse ou à tenir en lisière son propre Désir, faute de quoi son regard risque bien d’être vicié et son discours in-juste. Cette précaution s’appelle tout simplement l’éthique, ou, pour une profession, la déontologie. Cela s’appelle aussi être objectif ou dépassionné.
Pour commencer, qu’en est-il de l’auteur de cette lettre à MO ? Il convient de se poser au moins la question : son regard n’est-il pas faussé par le Désir, et en l’occurrence par cet enfant ou cet aspect du Désir qu’est le Dépit ? Est-ce qu’au lieu de percevoir MO comme une Différence dans la République, il ne le projette pas dans le Système où il lui apparaît comme une Distance, et du même coup situé plus haut que lui, c’est-à-dire, plus crûment, est-ce qu’il n’en est pas jaloux ? « Il dit ce que je n’ai pas réussi à dire ; il a conquis une audience que je n’atteindrai jamais ; il connaît un succès qui ne sera jamais mon lot – donc il n’est pas question que je dise du bien lui ». Il est fort possible que ce soit précisément le Dépit qui parle quand il parle des « 137 livres écrits ou co-écrits en moins de 40 ans, soit pas loin de quatre par an » (« Je n’aurai jamais une telle facilité et une telle fécondité, donc il n’est pas question que je salue la performance ») ; de même, ne serait-ce pas le Dépit qui parle quand l’auteur évoque les titres des livres de MO (« Je ne suis serais pas capable d’en trouver d’aussi beaux, donc il n’est pas question que je professe la moindre admiration »).
Cependant, en l’absence d’autres données, l’éthique impose de laisser à celui qui parle ici le bénéfice du doute. Il n’en reste pas moins qu’il lui revient, uniquement à lui mais impérativement, de mettre en œuvre la Volonté de se poser la question et celle d’y répondre avec le plus d’honnêteté possible.
Ce préalable sur l’auteur étant posé, il faut bien sûr examiner maintenant les divers points sur lesquels porte la critique.
I. LES CHEFS D’ACCUSATION.
L’auteur de la lettre reproche à MO, en le citant, de reprendre à son compte « l’ensemble des paniques morales et autres poncifs de l’extrême droite, de l’obsession islamophobe (« Y a-t-il une différence entre islam et islamisme ? ») à l’antiféminisme (« Je veux que les hommes soient des hommes, les femmes des femmes ») en passant par la croisade contre la prétendue « théorie du genre » (« Le genre est un nouveau puritanisme »), le climato-scepticisme (« Il y a des cycles de réchauffement et de refroidissement de la planète depuis que la planète existe, et indépendamment des hommes ») ou encore le dénigrement de ce qu’il nomme « élégamment » des “sous-cultures” (« Il y a un espèce d’effondrement quand on considère que toutes les cultures se valent »), liste dont l’auteur précisé qu’elle n’est nullement exhaustive.
Sans doute faut-il laisser de côté ici le problème climatique. Il est bien établi par la science que notre planète, depuis qu’elle s’est formée, a connu une alternance de réchauffements et de refroidissements : ce n’est évidemment pas être climato-sceptique que de faire état de cette alternance. Cependant, c’est à cette même science qu’il faut laisser le soin de déterminer dans quelle mesure les activités humaines ont ou non aggravé la tendance actuelle au réchauffement. Quant aux autres points, ne relevant pas d’une science dure comme la climatologie, mais bel et bien de l’opinion, ils peuvent être valablement discutés.
D’abord, il faut noter que, dans ce paragraphe et dans la lettre en général, l’auteur ne discute jamais, ne raisonne en rien, n’argumente nullement : il porte une série d’accusations, islamophobie, antiféminisme, croisade contre la prétendue théorie du genre, dénigrement des sous-cultures – chacun de ces points étant d’ailleurs au préalable disqualifié en tant que “paniques morales et autres poncifs de l’extrême droite”, paniques et poncifs qui seraient devenus chez MO autant d’obsessions, c’est-à-dire nodules de son dérèglement mental – et chacun de ces points est illustré par une phrase censée apporter la preuve que l’accusation est fondée. Or, outre le fait que MO est ici renvoyé dans la catégorie des obsessionnels pathologiques (où s’employait-on à psychiatriser les dissidents ?), quant à ces phrases citées à l’appui des accusations, qu’en est-il ?
a. Islamophobie.
D’abord, une mise au point lexicale : le suffixe “phobe”, issu du grec “phobos”, signifie « peur » ; or, par tous ceux qui portent l’accusation d’islamophobie, ou de xénophobie d’ailleurs, ce suffixe est entendu comme « haine » (ce qui correspond au préfixe grec « miso » comme dans misogyne/misandre). Mais est-ce qu’avoir peur de l’islam/islamisme ou de l’étranger est la même chose qu’éprouver à leur égard de la haine ? Devant ceux qui ont peur, les gens comme l’auteur de la lettre peuvent au mieux afficher un sourire indulgent et au pire un haussement d’épaules condescendant (« les pauvres ! ») ; en revanche, devant ceux qui sont censés éprouver de la haine, en fait qui sont accusés d’y sombrer, les mêmes retournent immédiatement cette haine contre eux (« les pourris ! »), la muant alors exactement en ce que l’AO appelle la Haine, laquelle Haine est cette fois bien leur fait, non toutefois sans la dissimuler par un Mythe, ou cette violence par un cache-violence qui peut se formuler : « Nous, les gens bien de gauche, on est largement au-dessus d’un sentiment aussi nauséabond ! » En fait, entendre « phobe » comme ‘haine’ dans « islamophobe », c’est occulter ce qui peut légitiment inquiéter (cf. Charlie Hebdo, le Bataclan, la Promenade des Anglais, etc.), impossible à condamner, au profit de ce qui peut être stigmatisé à bon compte.
Maintenant, qu’en est-il de la phrase illustrant cette dite islamophobie chez MO ? « Y a-t-il une différence entre islam et islamisme ? » demande MO. Contrairement à ce que semble insinuer l’auteur de la lettre, il n’apparaît pas, au moins dans le cadre de l’AO, que la question soit ni sans pertinence ni illégitime : le suffixe “isme” qui s’ajoute à “islam” montre bien qu’il s’agit de deux phénomènes différents, en rapport mais distincts, et c’est cette différence qu’il s’agit de cerner, quitte d’ailleurs à la ramener à rien au bout de l’examen. En l’occurrence, est-ce que « Allah est grand ! » et « Allah est grand, et tout le monde doit se prosterner devant lui et obéir aux Injonctions qu’il nous a transmises par l’intermédiaire du Prophète » sont la même chose ? Faut-il établir une équation parfaite entre « Je crois en Allah comme je crois que Mahomet est son Prophète » et « Je crois en Allah comme je crois que Mahomet est son Prophète et tous ceux qui ne croient pas ou n’obéissent pas, à mort ! » ? Y a-t-il identité parfaite entre une croyance et un fanatisme ? Poser la question, c’est y répondre. Maintenant, qu’en est-il des réactions que peuvent susciter l’un et l’autre ? Une croyance est une Différence parmi d’autres, et comme telle, étant parfaitement respectable, elle ne peut que susciter le respect. Mais un fanatisme n’est plus une Différence puisqu’il prétend faire disparaître devant lui toutes les autres, c’est-à-dire que, fondant un Système, il s’érige en Distance ou se pose en Verticale de Pouvoir unique et absolu. Dès lors, il semble bien difficile de voir comment – si même certains ne reculeraient pas de suggérer ou d’imposer un pourquoi – cette Distance menaçante ne susciterait pas d’abord, par réflexe, la peur, et en même temps, par réaction, la Haine. C’est une donnée anthropologique inévitable : toute Verticale écrasante suscite l’unanimité haineuse contre elle (voir leçon 10). Le problème qui surgit ici est clair et terrible : lorsque cette Verticale est incarnée par une personne, les Dominés peuvent la lyncher ou, lynchage symbolique, déboulonner sa statue ; mais quand elle est une idéologie, il ne reste que le recours aux boucs émissaires… En l’espèce, d’abord on ne voit pas que MO ait jamais témoigné la moindre hostilité à l’égard de la Différence-islam ; ensuite il apparaît impossible de lui contester le droit de soulever le problème de la peur et de la Haine que peut soulever en France la Distance-islamisme. C’est que la Différence-islam peut parfaitement être intégrée par la République grâce à la laïcité, ce qui est le tout du Politique, alors que la Distance-islamisme, la force actuellement la plus dangereuse pour la laïcité et la démocratie, cherche à abattre la République, ce qui est le comble du Religieux. Est-ce que prôner ainsi le Politique contre le Religieux est condamnable, ou est-ce que c’est ainsi aller contre la Loi ? Islam et islamisme sont engendrés tous deux par le Désir, mais le premier par le Désir régressif, violence contre soi-même, et le second par le Désir agressif, violence contre Autrui ; c’est cette violence première de l’islamisme qui suscite la peur et la violence réactive qu’est la Haine : est-ce que MO appelle à cette Haine ? Est-ce qu’il ne ferait pas plutôt que dénoncer ce qui la suscite ?
Sur ce point, à chacun de se faire une opinion.
b. Anti-féminisme.
Être anti-féministe, c’est s’élever contre l’égalité hommes-femmes, dé-légitimer le combat des femmes pour cette égalité et entreprendre de revenir sur les avancées réalisées tout au long de cette lutte. C’est là, clairement, le projet islamiste ; mais est-ce que MO, une seule fois, a tenu ou écrit un propos allant dans ce sens ? Quant à la phrase citée ici par l’auteur de la lettre – « Je veux que les hommes soient des hommes, les femmes des femmes » – rien ne permet de voir en quoi elle porte atteinte à l’égalité hommes-femmes, c’est-à-dire ce qu’elle a d’anti-féministe. En revanche, apparaît bien ce qu’elle vise : le mouvement qui prône que les individus de sexe masculin ne sont plus obligés d’être des hommes et que les individus de sexe féminin ne sont plus tenus d’être des femmes, chacun au contraire, loin d’être assigné à son sexe biologique, pouvant, selon son Désir, choisir son « genre ». Autrement dit, se trouve visé le mouvement qui apparaît dans le cadre de l’AO comme celui qui, peut-être, dans toute l’histoire de l’humanité, va le plus loin contre la Loi pour accorder la toute puissance à la force anti-Loi qu’est le Désir. Bref, la phrase de MO citée ici ne relève pas de l’anti-féminisme mais de l’anti-wokisme. Il est assez stupéfiant que l’auteur de la lettre confonde les deux, mais à la réflexion nullement surprenant. En effet, les militants du wokisme présentent cette particularité, sans doute unique dans toute l’histoire du militantisme en général et du Religieux en particulier, de nier eux-mêmes l’existence de leur propre mouvement : « Le wokisme n’existe pas ! » Sans doute la raison de ce comportement est-elle à chercher dans la conscience profonde mais non avouée parce que non avouable que leur idéologie est la pire des violences, ou le pire attentat contre la Loi ; dès lors, cette violence, comme toutes, doit être dissimulée, c’est-à-dire disparaître derrière un Mythe. C’est ici, pour l’auteur de la lettre, l’anti-féminisme qui semble bien lui servir de masque pour dérober l’anti-wokisme, le wokisme étant manifestement pour lui, proprement, innommable.
Il s’impose donc de réévaluer la phrase de MO, et on ne peut y procéder valablement qu’en en revenant, comme toujours, à la Loi. La dynamique de base de la Loi est fort simple : tout part de l’Horizontale et c’est sur ce socle, à partir de cette base, que s’amorce le mouvement vers le haut, dans la dimension verticale ; la métaphore végétale ne cesse jamais d’être pertinente (voir leçon 2) : la graine germe au fond de cette Horizontale qu’est la terre ou commence d’y pousser ses racines, permettant à la tige de percer la surface du sol, et petit à petit la plante s’épanouit, conquérant sa Verticale. Il en va de même pour l’humain : son Horizontale est son milieu socio-culturel, milieu sur lequel il va prendre appui pour s’édifier ; pour l’individu sexué, c’est tout aussi clair et encore plus précis : son Horizontale est son corps, ce donné physique à partir duquel il va édifier son Être. Dès lors, il est évident que, tout comme une plante meurt si on la coupe de ses racines, tout individu ne peut que se trouver atteint profondément dans son Être s’il se trouve coupé de son Horizontale physique et sexuée. Ceci établi, la phrase de MO devient fort claire : « Mon vœu est qu’aucun individu, homme ou femme, ne subisse cette amputation ou cette mutilation ontologique que prône le wokisme. » Rien d’anti-féministe dans ce vœu mais ce qu’il est possible d’entendre comme une l’expression d’une angoisse devant cet attentat le plus grave qu’il soit possible de perpétrer contre la Loi – ou contre ce genre unique qu’est le genre humain.
En tout état de cause, sur ce point également, chacun est invité à méditer afin de se faire une opinion. En attendant, on ne peut que rebondir ici sur l’assertion suivante concernant le genre.
c. Théorie du genre.
« La prétendue théorie du genre » écrit l’auteur de la lettre. Prétendue ? C’est sous-entendre ou même déclarer qu’elle n’existe pas. Se retrouve ici le déni qui caractérise les wokistes. Cependant, ceux-ci sont dans l’impossibilité, et pour cause, de démontrer cette non-existence. Pour établir la non-existence de la théorie du genre, ceux-là mêmes qui l’ont inventée ou qui la diffusent sont contraints d’avoir recours à l’affirmation péremptoire et même quelque peu courroucée (cf. le ton sur lequel la ministre de l’Éducation nationale du gouvernement Barnier a répondu à Alexandre Portier, le ministre délégué, qui préconisait l’éradication de cette théorie dans les programmes). L’affirmation de Mme Genetet ne fait tout ensemble que laisser percer la mauvaise conscience qui l’habite, trahir l’arbitraire qui la dicte ou révéler le Pouvoir qui en constitue le principe : « C’est comme ça et pas autrement, silence dans les rangs ! ») Cependant, si les tenants de la théorie du genre n’ont à leur disposition que le coup de force pour tenter de nier leur propre violence ou pour nier l’existence de leur théorie, mille preuves de son existence peuvent être produites. Il suffira ici d’en retenir une, emblématique. Il s’agit d’une affiche du Planning familial représentant une femme à barbe posant les mains sur le ventre arrondi d’un homme, avec cette légende : « Au planning familial, on sait que les hommes aussi peuvent être enceints ». Il faut d’abord, au passage, déplorer la dérive du Planning familial, si longtemps à la pointe du combat féministe, et ensuite poser la question : cette affiche, qu’est-ce sinon une application, d’ailleurs spectaculaire jusqu’au grotesque, de la théorie du genre ?
Cette affiche existant, elle prouve l’existence de la théorie qui l’a inspirée, prouvant du même coup l’existence du wokisme qui la promeut, et elle le prouve si bien qu’il n’est même pas nécessaire, sur ce point, de renvoyer chacun à soi-même pour se faire une opinion.
Pour en finir avec la question du genre telle qu’elle se pose dans la lettre, il faut commenter cette autre citation de MO que l’auteur de la lettre lui jette au visage : « Le genre est un puritanisme ». Si on voit clairement que le wokisme, avec ses dogmes et ses Injonctions, est bel et bien une religion, alors en effet il faut constater que le dogme du genre – « le sexe donné n’est rien, le genre choisi est tout » – comme tout dogme engendre une Injonction : « Tout le monde doit y croire inconditionnellement, et il est interdit de s’en écarter d’un iota » ; dès lors, tout propos trahissant le moindre écart par rapport à la ligne dogmatique est immédiatement, selon un puritanisme en effet caractérisé, dénoncé comme « haineux » et peut même donner lieu à des poursuites judiciaires. Celles-ci ont toutes les chances de déboucher sur la condamnation du dissident tant il est vrai que la justice est maintenant sous la coupe de la jurisprudence bruxelloise, laquelle fait systématiquement droit au Désir de l’individu en prêchant – paradoxe ahurissant ! – une tolérance qui relève de la pire intolérance. Il est notoire que la pseudo-gauche est devenue, avec entre autres le puritanisme du genre, le pire ennemi de la liberté d’expression (« lecteurs de susceptibilité », chez les éditeurs, thèses interdites de soutenance dans les universités, libraires intimidés sinon agressés, classiques caviardés ou réécrits, etc.) En fait, force est de constater que son fonctionnement s’apparente de plus de plus à un Totalitarisme.
Examinons maintenant les quelques autres formules de MO que cite la lettre : « Jean-Luc Mélenchon et Éric Coquerel ont tué les Gilets jaunes » ; « Donald Trump est le président des Gilets jaunes » ; « la créolisation, c’est le grand remplacement à gauche ».
d. « Les Gilets jaunes »
Les deux premières de ces formules demanderaient à être replacées dans leur contexte, à savoir dans le cours de l’argumentation que développe MO à ce moment : il ne fait pas de doute que cela nous entraînerait trop loin dans le cadre de cet article. Il semble cependant à propos de saisir ce qu’a voulu dire MO en précisant simplement ce qu’ont été les Gilets jaunes. Pour bien déterminer l’identité de ce groupe, il faut d’abord discerner qu’il doit être saisi non pas dans la République, où il n’aurait eu aucune raison de former son mouvement, mais dans ce Système que le personnel politique nous donne comme étant une République – ou qu’il nous vend comme telle (et fort cher !) Dans ce Système, les Dominants sont justement les “politiques” et bien sûr ceux dont ils sont les complices, à savoir les grands patrons du CAC 40, sans oublier tous les parasites, nombreux, à qui il est donné de profiter du Système – bref tous ceux qui jouissent de Privilèges divers et variés, lesquels sont à identifier bien sûr aux trois objets du Désir que sont l’Avoir, le Pouvoir et la gloire – et ils sont nombreux à s’en « fourrer, fourrer, fourrer jusque-là » ! Il s’impose également de préciser que tous ces bienheureux s’identifient totalement à la Verticale écrasante que constitue le duo CE-CEDH (Commission Européenne et Cour Européenne des Droits de l’Homme), duo qui œuvre, pour des motifs économiques, c’est-à-dire pour les intérêts financiers de quelques-uns, à saper un peu plus chaque jour la souveraineté des Nations et donc de la France – c’est à l’Avoir ou au dieu Fric que tout est sacrifié. Ce « tout sacrifié » sont bien sûr les Dominés, dont les Gilets jaunes. Pourquoi ce mouvement de l’automne-hiver 2019 ? Parce que la France ne se réduit pas aux quelques privilégiés et aux bobos de Paris et des grandes villes ; parce qu’il y a, partout, dans « les régions », des gens qui se lèvent tôt et qui travaillent dur, qui ne disposent pas ou peu de transports en commun ou de services d’urgence, qui ne connaissent que les gares fermées et les déserts médicaux, qui paient, avec des impôts et des taxes d’un montant battant tous les records d’Europe, des services publics dont ils ne profitent pas, et qui, un beau jour, se sont vu imposer une taxe supplémentaire sur ce carburant dont ils ont besoin pour aller travailler. Les Gilets jaunes, ce sont ceux qui se sont dressés en disant « Trop c’est trop ! » C’est précisément à ces gens-là, ces Dominés exploités, surtaxés, essorés, que pense MO quand il dit « Je suis pour le petit et le modeste » : est-ce qu’être solidaire avec les Dominés peut lui être reproché ? Ce reproche est d’autant plus incompréhensible que le mouvement woke, à son origine, s’est donné pour tâche de repérer toutes les situations de domination et d’y remédier, donc de « veiller » (d’où leur nom) à faire respecter les droits de toutes les minorités. Mais en fait, ce mouvement, qui semblait relever du Politique le plus pur dans son intention originelle, a dérivé rapidement vers le Religieux le plus redoutable puisqu’au lieu de renverser la Verticale écrasante dont avaient à souffrir les minorités, elle l’a seulement inversée en imposant le Pouvoir tyrannique de ces minorités sur la majorité. Mais pourquoi avoir oublié une catégorie comme les Gilets jaunes ? Parce que ceux-ci ont le tort de n’avoir aucun de traits qui permettent d’identifier une minorité discriminée : ils sont (trop) nombreux, ils sont blancs, ils sont genrés, hétérosexuels, etc. D’où ce reproche adressé à MO. Mais ce reproche est-il plus fondé que les autres ?
Cette question une fois posée, et la réponse laissée à chacun, il resterait à examiner en quoi Jean-Luc Mélanchon et Éric Coquerel, à savoir LFI dans son ensemble, ont épousé ou non la cause des Gilets jaunes et se sont employés ou non à servir leurs intérêts : c’est un travail à mener, de nature à la fois historique et politique, bien loin qu’il faille se contenter de jeter l’opprobre sur l’auteur d’une formule.
Dans le cadre de cet article, il est intéressant d’examiner ce qui ressort du rapprochement des deux formules de MO : « Donald Trump est le président des Gilets jaunes » ; « la créolisation, c’est le grand remplacement à gauche ». Contrairement à ce qu’il semble, ces deux considérations sont en rapport étroit. En effet, les Dominés de plus en plus en insécurité – insécurité économique à cause de la dérégulation tous azimuts imposée par Bruxelles, insécurité culturelle à cause de l’immigration massive imposée par Bruxelles, insécurité identitaire à cause de la globalisation imposée par Bruxelles – ceux-là, dans leur désarroi, se retournent vers la classe politique qui, historiquement, a toujours pris en charge leurs difficultés et se battait pour faire valoir leurs droits et leurs intérêts. Or que leur répond la gauche actuelle ? Immigration chance pour la France ; diversité heureuse ; globalisation béate ; créolisation ; théorie du genre ; droits des LGBTQ+++… Comment penser ou espérer que des gens qui sont parfois au bord du désespoir se satisfassent de telles réponses ? Ils souffrent et en réponse, on leur propose de devenir un éco-citoyen féministe, décolonialiste, déracisé et dégenré – une caricature. Faut-il dès lors s’étonner qu’à cette caricature en réponde une autre : Donald Trump ? Comment n’avoir pas prévu qu’à l’homme déconstruit répondrait le machiste, qu’à l’individu privé de sexe répondrait le mâle qui en a de grosses ? Il est d’ailleurs un journal dit de gauche qui, même si c’est pour le dénoncer en parlant d’une « épuration en marche », a parfaitement vu ce phénomène de réaction au wokisme qu’est l’élection du milliardaire : « Le retour de l’âge d’or. Trump se vante de stopper “le délire du transgenre”, de “mettre fin aux mutilations sexuelles des enfants”, d’ “exclure les transgenre de l’armée” mais aussi “des écoles primaires, des collèges et des lycées” dès qu’il sera investi » (Le Canard enchaîné, numéro du 24 décembre 2024) Du reste, H. Védrine le dit à sa manière mesurée en parlant d’un « retour à la manière virile fondée sur une tradition réaliste américaine » (Marianne du 14.11. 2024). Il apparaît que le trumpisme était la réponse fatale que devait s’attirer le wokisme. (Il faut ajouter que c’est sensiblement le même phénomène qui est lisible dans la démission de Justin Trudeau au Canada). C’est clair – et pour le dire crûment : Donald Trump est le symbole d’une réaction à un mouvement casse-couilles au sens propre de l’expression. Il apparaît donc possible de rejoindre MO quand il voit Donald Trump comme le président que se sont donné les Gilets jaunes des États-Unis, c’est-à-dire les sacrifiés du mondialisme et les méprisés du wokisme. En tout cas, on ne voit pas ce qui empêche de proposer cette interprétation ou même cette simple hypothèse à la sagacité de chacun.
e. « La créolisation »
Il reste à parler du regard que pose MO sur ce concept qui est sans doute la trouvaille la plus étonnante ou la plus déconcertante de JLM : la créolisation. La créolisation « grand remplacement à gauche » ? Il apparaît dans le cadre de l’AO que la formule est parfaitement exacte à condition de préciser que « grand remplacement » et « créolisation » sont des fantasmes, à savoir des objets du Désir ou de ce Désir à l’envers à l’envers qu’est la Phobie. En effet, le grand remplacement, c’est ce que redoutent le plus les Français dits d’extrême-droite (« Tout mais pas ça ! ») alors que la créolisation est ce qu’appelle de ses vœux la part la plus ardente de la gauche mélanchonnienne (« Si seulement ça pouvait… ! ») Il est bien possible que la formule de MO, laquelle identifie « grand remplacement » et « créolisation », exprime également une angoisse à l’égard de ce Même ressenti par beaucoup de Français, à tort ou à raison, comme menaçant la France : au lieu de la cohabitation à la française des Différences, un Même étranger qui les étouffe et les écrase, et voilà pour le grand remplacement ; au lieu des Différences françaises irréductibles, une sorte de grisaille uniforme, de couleur moyenne ni chien ni loup, ni bique ni bouc, ni chèvre ni chou, et voilà pour la créolisation. Il convient d’ajouter que si le grand remplacement est fantasmé par ses dénonciateurs comme une prise de Pouvoir de l’étranger sur la population française, la créolisation pourrait bien renvoyer au fantasme le plus voluptueux de JLM, à savoir un Même entièrement à sa dévotion ou au service de son Désir de Pouvoir – très exactement une autre définition du Totalitarisme.
Il est possible de conclure provisoirement que MO ne fait que s’élever contre l’islamo-gauchisme et le wokisme parce que ces deux mouvements sont anti-État, donc des forces de dissolution de la République, même si c’est pour des raisons quelque peu différentes : « Peu m’importe les lois de la République, moi j’obéis aux Injonctions de mon Prophète » pour les islamistes appuyés par la pseudo-gauche par électoralisme ; « Peu m’importe l’intérêt général, moi je n’obéis qu’à mon Désir » pour les wokistes qui se trouvent un peu partout dans cette pseudo-gauche. Ce sont là autant d’attentats contre le Politique, lesquels s’opèrent sous forme d’atteintes à la laïcité. Or celle-ci, dans le cadre de l’AO, apparaît comme ce que le genre humain a réalisé de mieux comme avancée vers le Politique. Dès lors, prôner ainsi la dissolution du Politique pour une régression vers le pire du Religieux est tout de même paradoxal pour des gens qui se disent « progressistes »…
II. LE CHEF DES CHEFS D’ACCUSATION.
Mais il faut en venir maintenant à ce qui constitue le fond de l’accusation portée contre MO : il serait d’extrême-droite – l’expression ne figure pas moins de six fois dans la lettre (dont cinq dans les quatre premiers paragraphes), à quoi il faut ajouter « la très droitière revue Éléments » et « en doublant sur sa droite Michel Houellebecq ». L’auteur de la lettre parle de l’ « obsession islamophobe de l’extrême-droite » mais la question se pose de savoir si lui-même ne serait pas en proie, et furieusement, à l’obsession anti-extrême-droite, celle-ci et celle-là constituant d’ailleurs les deux faces de la même médaille.
Sur ce point, il faut partir d’un constat : toute la gauche, quand elle tourne le regard vers la droite, celui-ci est déjà de réprobation ; quand elle prononce le mot ‘droite’, c’est condamnation (« Bande de pourris ! ») ; quand elle prononce l’expression ‘extrême-droite’, c’est damnation (« Il faudrait vous exterminer ! ») – bref, caractérisé, le délit d’opinion ! Peut-être cette réprobation-condamnation-damnation serait audible si un de ces partis qui ne sont pas « de gauche » était explicitement anti-républicain et prônait ouvertement un chef charismatique nanti de tout le Pouvoir, un parti unique, l’élimination de toute opposition, etc. A-t-on entendu, une seule fois, un tel discours dans la bouche de Marine Le Pen ou de Jordan Bardella ? En revanche, et c’est proprement stupéfiant, le chef tout puissant, le parti unique et l’élimination des opposants, voilà qui rappelle fort un certain JLM – mais pas seulement puisqu’avant Noël, Me Dupont-Moretti déclarait qu’il faudrait faire interdire le RN, mesure fasciste s’il en est ! De Marine Le Pen et JLM, qui est le plus dangereux ? Les sondages montrent que les Français ne s’y trompent pas. Il est notable de surcroît qu’ils sont nombreux, dans le NFP, qui aspirent à se délivrer du boulet JLM, tant il est vrai qu’ils voient clairement que celui-ci n’est plus la gauche, n’a même plus rien à voir avec elle. Ceux-là semblent vouloir en revenir à la vraie gauche.
Dans le cadre de l’AO, les choses apparaissent fort claires : droite et gauche sont deux Différences, donc chacune est aussi légitime que l’autre, ainsi le pose et l’entretient le Politique. Mais quelle attitude cette pseudo-gauche adopte-t-elle à l’égard de la droite et de l’extrême-droite ? « Nous, nous sommes dans le vrai, eux sont dans le mensonge ; nous, nous sommes le bien, eux sont le mal ; nous, nous sommes les bons, eux sont les mauvais ; nous, nous sommes les vertueux, eux sont les ordures ! » Au lieu de considérer l’ensemble de la droite comme une Différence nantie de la même légitimité et de la même dignité que la sienne, cette gauche établit avec elle une Distance aussi arrogante qu’infranchissable. Autrement dit, la pseudo-gauche se perche au sommet d’une Verticale de vertu au bas de laquelle elle rejette la droite et dans les trente-sixièmes dessous puants de laquelle elle écrase l’extrême-droite. C’est ainsi dire qu’elle traite tout ce qui n’est pas elle avec la dernière violence, mépris hautain à l’égard de la droite, mépris haineux à l’égard de l’extrême-droite. Cette violence s’est traduite de façon fort claire à l’Assemblée, ou plutôt dans ses couloirs quand certains députés de LFI, en y croisant ceux du RN, affectaient de se boucher le nez, comportement dont on se demande comment il se fait qu’il n’ait pas donné lieu à des sanctions, sanctions qui n’auraient d’ailleurs pas manqué d’être appliquées avec la dernière sévérité si la situation avait été inverse. Il apparaît que la logique sartrienne – « qui n’est pas communiste est un chien » – reste massivement à l’œuvre. Bref, la gauche actuelle porte sur tout ce qui n’est pas elle un regard qui n’est plus politique mais moral – l’indignation religieuse à haute dose. En réalité, cette morale qu’elle prétend incarner est un moralisme, la moraline nietzschéenne ou la vertu robespierriste, celle des gardiens de la pensée, des censeurs et procureurs professionnels, des commissaires politiques auto-proclamés, des accusateurs publics auto-désignés et autres Fouquier-Tinville auto-révélés.
Dès lors il est bien évident que cette gauche n’officie plus dans le cadre d’une République mais qu’elle institue et entretient un Système, autrement dit qu’elle a totalement déserté le Politique pour promouvoir le Religieux – le Religieux, c’est-à-dire des dogmes ou des Mythes, des Injonctions et… des boucs émissaires.
L’auteur de la lettre fournit un bel exemple de cette dérive dans les accusations qu’il porte contre MO. Il s’adresse à lui en parlant d’ « une déclaration qui condense, en peu de mots, tout le bien qu’ [il pense] de la gauche sociale et politique ». Mais quelle gauche sociale et politique ? Cette pseudo-gauche apparaît n’être plus que sociétale et religieuse – deux termes qui du reste apparaissent synonymes et même faire pléonasme parce que les deux notions renvoient au Désir : religieuse parce que c’est bien une religion qui est à l’œuvre avec ses Mythes, ses dogmes et ses Injonctions ; sociétale parce qu’il ne s’agit plus de tout mettre en œuvre pour faire droit aux revendications les plus légitimes des classes défavorisées mais uniquement de faire de la publicité aux revendications les plus délirantes de l’individu tout puissant. La République n’en est plus une qui est devenue un Système en passant des « Droits de l’Homme et du Citoyen » aux « Droits universels de l’Homme et de l’Individu ». Les premiers sortaient de la France des Lumières et avaient vocation à s’universaliser ; les seconds émanent de l’Europe de Maastricht et sont mis en échec par pratiquement le reste du monde. Ce rejet était inévitable puisque les premiers sont conformes à la Loi et n’attendent que les Volontés pour étendre l’aire des Autorités, alors que les seconds ne relèvent que de l’arbitraire et ne flattent que les Désirs pour accroître leur surface de Pouvoir. Or, si les Autorités collaborent, les Pouvoirs sont Rivaux. Dès lors, au lieu que le monde soit une association de Républiques œuvrant à l’intérêt général de toute l’Humanité ou vouées à la Transcendance vraie, il est une arène voire une fosse aux lions dans laquelle s’affrontent des Systèmes n’œuvrant chacun qu’à son intérêt particulier ou voués chacun à sa Transcendance fausse – sans perdre de vue que si l’association des Républiques serait une garantie de paix, l’affrontement des Systèmes est une lutte à mort, au moins sur les plans économique et idéologique. MO, défendant le modèle français, prône la première : est-il pertinent alors de le rejeter à l’extrême-droite et légitime d’appeler sur sa tête au minimum le mépris et au maximum l’ostracisme ?
Quant à cet ostracisme, un exemple en a été donné par la France elle-même, et pire, par un de ses organismes culturels les plus officiels : France-Culture – chaîne qui a mis brutalement fin à son cycle de conférences sous le prétexte qu’il est souverainiste, c’est-à-dire qu’il prône une France maîtresse chez elle ! D’une part, c’était bien là un exemple caractérisé de censure ; d’autre part, il faut bien considérer que MO se retrouve ostracisé parce qu’il défend la République, le Politique et la paix ! Il ne s’est jamais vu que l’idéologie rende intelligent mais quand elle obtient des « autorités culturelles » qu’elles marchent sur la tête… Il est assez clair que l’auteur de la lettre épouse cet ostracisme comme le laisse entendre le reproche qu’il adresse à MO d’évoluer « désormais comme un poisson dans l’eau » sur CNews, la chaîne pourrie du groupe Bolloré dont il est ici sous-entendu qu’elle est le seul bain digne de le recevoir. D’abord, la question se pose de savoir s’il est légitime ou simplement logique de reprocher à MO de s’exprimer sur l’unique chaîne qui accepte de lui donner la parole ; ensuite, il est évident que l’auteur de la lettre lui aussi se pince le nez devant MO et au-dessus du brouet infâme dans lequel il trempe. Mais pourquoi cette haine ? Sartre, dans ses attitudes anti-anti-communisme, avait à se faire pardonner son origine bourgeoise ; mais l’auteur de cette lettre ? À lui de voir mais il est évident qu’il traite MO comme un chien, un chien galeux, un chien pouilleux, un chien puant – comme son bouc émissaire.
Il est à remarquer d’ailleurs que, dans le cours de la lettre, ce statut rebondit sur une autre figure, tant il est vrai qu’il obéit à la logique religieuse de la contamination. L’auteur de la lettre ne manque pas bien sûr de souligner que, si MO dispose de son heure hebdomadaire sur CNews, c’est aussi le cas de PdV, lequel est ici désigné par la périphrase rappelée plus haut, “le vicomte d’extrême-droite”. Il est notable que cette expression vient tout droit du Canard enchaîné, ce journal qui la sert chaque fois qu’il est question de cette personnalité et ne manquant d’ailleurs jamais de la désigner par la périphrase en forme de calembour « l’agité du bocage ». D’abord, il faut constater que PdV, comme MO, se trouve psychiatrisé à son tour comme un dissident, ensuite, qu’en est-il de la formule ? C’est là un bon mot qui peut s’échanger entre amis au-dessus de l’apéritif mais dont il convient de se demander s’il est digne d’un journal ou plutôt d’un journaliste. Critiquer des idées, oui, mais brocarder un homme ? Argumenter dans la rationnel, oui, mais disqualifier par le ridicule ? Est-il tellement difficile de considérer que l’éthique ou la déontologie devrait interdire toute attaque ad hominem ? L’auteur de la lettre évite une telle attaque mais n’y avait-il pas mieux à faire que d’écrire cette lettre ? Il semble pourtant que la question intéressante au sujet de MO et de PdV soit fort simple : ces deux personnalités bénéficient d’une audience et d’un lectorat importants – pourquoi ? Qu’est-ce qui fait que tant de monde se trouve capté et captivé par leur discours ? De même pour la chaine CNews, dont le succès va grandissant : POURQUOI ? Voilà ce qui devrait retenir et mobiliser les journalistes, chroniqueurs et commentateurs politiques. MO, parce que souverainiste, est rejeté à l’extrême-droite. Mais plutôt que de remplir trois grandes pages sur MO pour laisser entendre à chaque ligne qu’il est un affreux réac pétainiste, l’auteur ne ferait-il pas mieux fait de lancer une enquête à grande échelle en allant trouver les électeurs du RN et en cherchant à comprendre ce qui les pousse vers ce vote, afin de parvenir à poser le bon diagnostic, lequel permettrait peut-être d’entrevoir le bon remède ? Est-ce que ce n’est pas cela qui serait une vraie démarche de gauche ?
Plutôt que d’adopter cette démarche tournée tout entière vers Autrui, l’auteur préfère accuser, se faire le censeur et le procureur d’un individu qui semble bien lui apparaître sous les traits d’un Rival. MO est une Différence, laquelle, comme telle, doit être respectée au même titre que toute autre, mais, en adoptant la position de censeur et de procureur, l’auteur de cet article s’arroge à son égard une position de Dominant, dans la logique de la Distance. Au lieu de se conduire, de toute sa Volonté, comme un Adulte soucieux de sa Souveraineté et du respect qu’il doit à celle des autres, il adopte l’attitude d’un Comparse uniquement animé par le Désir de venir à bout d’une conscience qui heurte ses dogmes. Il faut ajouter qu’adoptant cette attitude, il se révèle être un activiste de la « République des Juges » qui sévit maintenant sinon dans toute l’Europe du moins avec virulence en France. Or il faut discerner que « République des Juges » est un oxymore criard. En effet, la République s’appuie sur la Justice, qui est l’organe premier de son Autorité ; mais les Juges quant à eux exercent un véritable Pouvoir, qui est l’organe unique de leur arbitraire. Autrement dit, la République des Juges est un Système dont les Dominants sont les Juges, lesquels – ils le montrent tous les jours – vont même contre le droit ! Il se trouve que, suivant cet exemple, l’auteur de Blast va contre le droit d’un individu à s’exprimer. De quel droit ? À quel titre ?
Blast, média indépendant, base la revendication de ce statut sur son indépendance financière. Mais indépendance financière, est-ce indépendance intellectuelle, à savoir impartialité ou objectivité idéologique ? Symétriquement, ce type de média considère que ceux qui sont la propriété de milliardaires, genre Marianne ou CNews, sont forcément des vendus, et bien sûr situés politiquement à l’extrême-droite réactionnaire et fascisante. Or qui ne se contente pas de ce schéma tout fait mais consulte les médias en question peut se faire une opinion : il suffit de lire un édito de Natacha Polony ou un article de Jack Dion pour constater que Marianne n’est pas un journal de droite et encore moins d’extrême-droite ; il suffit d’écouter un édito de Matthieu Bock-Côté pour comprendre que le patron de CNews n’impose pas à ses chroniqueurs d’orchestrer une propagande fasciste ou même seulement celle du RN. Quant à un média comme « Front Populaire », que dirige MO, il est indépendant, n’appartenant pas à un magnat ; selon le schéma imposé par les médias indépendants de “gauche”, il devrait être parfaitement fréquentable ; mais comme il se revendique souverainiste, il est rejeté à l’extrême-droite ; or, tout comme il suffit de lire un livre de MO pour s’aviser que rien, jamais n’y regarde ni ne tire vers l’extrême-droite, il suffit de lire un seul des articles de haute tenue et à forte teneur de « Front populaire » pour s’aviser que cette revue n’a rien à voir avec à on ne sait quel fascisme ou pétainisme ou poutinisme verrouillé. Il est nécessaire de lire – mais encore faut-il avoir lu.
Au moins peut-on parier que l’auteur de la lettre n’a pas lu pas lu les ouvrages de MO, sinon les titres, ou au moins quelques-uns d’entre eux ; de même, il n’a pas lu davantage un seul article de « Front populaire », sinon l’annonce de la 4e de couverture, « La revue des souverainistes de droite et de gauche, d’ailleurs et de nulle part».
Il faut souligner cependant que lire est nécessaire mais non pas suffisant. Il apparaît fort à propos ici d’évoquer le cas d’un grand média en ligne comme l’encyclopédie Wikipédia, financé par ses utilisateurs, et qui à ce titre devrait être d’une parfaite objectivité. Cependant, à titre d’exemple très parlant, on lit que « des contributeurs de Wikipédia ont modifié le nom et le pronom du député [Joachim Son-Forget, devenu Eva Son-Forget] pour évoquer des événements antérieurs à sa transition, et d’autres proposent d’effecteur les mêmes changements dans les sources au motif que “les personnes trans font partie d’une minorité souvent stigmatisée et discriminée” ». D’autres encore soumettent l’idée de remplacer de toute urgence la photo : « Vous mégenrez Mme Eva Son-Forget à la laisser apparaître sous son ancien genre (qui n’a en fait jamais été le sien). Cette transphobie ambiante est vraiment regrettable sur une telle encyclopédie » (Marianne n° du 28.11.2024). On apprend par ailleurs que Wikipédia est promu par Wikimédia et Les sans pagEs dont le but est le lutter contre les déséquilibres de genre. D’aucuns se demandent si certaines pages relèvent d’un savoir encyclopédique ou d’un acte d’abord guidé par des considérations idéologiques. D’autres estiment que Wikipédia crée des articles non pas en fonction d’un domaine d’intérêt mais en fonction de ce que sont les personnes, les choix appuyant un groupe minoritaire contre la volonté majoritaire. La présidente de Wikipédia est très active sous le pseudonyme de « Kvardek du » sous lequel elle n’hésite pas à accuser ses adversaires de transphobie pour mieux les réduire au silence voire les faire bannir. Certains parlent de terrorisme intellectuel, de réécriture de l’histoire, et des obsessions woke de Wiképédia. (Marianne n° du 21.11). La confirmation de ces deux articles se trouve par ailleurs : « Prompts à voir de la transphobie partout, les Sans pagEs ont largement diffusé ce travers sur Wikipédia ». Le cas est cité de J.K. Rowlings présentée comme une négationniste « niant la persécution des personnes transgenres par les nazis et les autodafés de 1933 » ce qui ferait ressortir les accusations d’antisémitisme. Dans un autre paragraphe reparaissent les divers points envisagés dans le présent article : « La vérité est à gauche, tendance ultraprogessiste. Et quiconque aura osé une analyse critique du wokisme – et en particulier des excès des militants de la cause trans – ou soutenu une ligne intransigeante face à l’islamisme ou face aux dogmes de l’écologie radicale, sera frappé de leur foudre. Wokisme, islamisme, écologie radicale : voilà le tiercé gagnant des sujets qui exposent à des représailles sur Wikipédia. » Se trouve du reste citée E. Bastié, laquelle estime que « Wikipédia n’est plus une encyclopédie [mais] un réseau social qui ne dit pas son nom. » (Le Point du 12.12. 2024).
Il apparaît donc que s’il faut en effet avoir lu, il ne faut pas non plus se contenter de lire, faute de quoi on risquerait de demeurer dans la croyance. Il s’impose de prendre de la distance par rapport à ce qu’on lit ou à ce qu’on entend. Bref, l’esprit critique doit toujours être entretenu et affûté, restant, en chacun, le meilleur outil du Politique.
C’est avec cet esprit critique qu’il faut en revenir à MO pour situer le plus exactement possible la lettre que lui adresse le journaliste de Blast.
MO préconise la souveraineté du peuple : est-un crime ?
MO est soucieux de l’intérêt général et du bien commun : où est le crime ?
MO prône le Politique (français) contre le Religieux (européen) : comment serait-ce un crime ?
MO dénonce la dérégulation, la désindustrialisation, la désertification, la décivilisation : pourquoi faudrait-il voir là autant de crimes ? Et tous ces crimes consistent-ils à se trouver dans l’abominable, haïssable et très exécrable extrême-droite ? Mais qu’est-ce qu’être d’extrême-droite ? Être d’extrême-gauche est une gloire, être d’extrême-droit est une tare. Mais est-ce que le problème, bien loin de se situer dans l’alternative gauche/droite, ne résiderait pas tout entier dans l’ « extrême » ? À cet égard, il faut signaler que le bloc qui prétend n’être ni de droite ni de gauche mais se situer au centre, donc échapper par définition aux extrêmes, adopte des positions telles que d’aucuns parlent à son égard d’ « extrême-centre », expression oxymorique qui dit assez que le problème n’est pas dans la situation sur l’éventail politique mais bien dans la radicalité ou le caractère excessif des positions adoptées. Il est notable que MO, sinon dans ses déclarations, parfois vives, du moins dans ses positions, évite les extrêmes. Autrement dit, les extrêmes étant violence et ne pouvant à ce titre que procéder du Religieux, il demeure dans le Politique. Est-ce que ce combat pour le Politique ne devrait pas être, au premier chef, le combat de la gauche ?
Il faut tout de même rappeler que ce fut le cas longtemps, et que c’est là un âge révolu. Si l’islamisme est devenu en France l’islamo-gauchisme, c’est, par électoralisme mélanchonien, à cause de l’attitude complaisante de la pseudo-gauche à son égard. Pendant longtemps, la pire accusation qui pouvait être portée contre les adversaires, ou le pire du terrorisme intellectuel, était « antisémitisme ». Mais cet antisémitisme étant hautement pratiqué par les islamistes, la pseudo-gauche, aux ordre de JLM, désirant ne pas se les aliéner, a dû trouver une autre façon de disqualifier l’adversaire : c’est devenu « extrême-droite ». C’est aussi ce qui explique une autre « sortie » parmi les plus effarantes de JLM – « La police tue » – que rappelle l’auteur de la lettre pour reprocher à MO d’avoir dit quant à lui : « Non, la police se fait tuer, elle ne tue pas. » « La police tue » : c’est peut-être à bon droit d’abord qu’on peut s’étonner d’entendre une telle formule dans la bouche du promoteur d’une gauche qui tue la gauche, d’une gauche dont quelques représentants peuvent danser sure le cadavre de JM Le Pen sans s’aviser que le lepénisme est bien vivant et que c’est elle qui le nourrit le plus grassement ; ensuite et surtout, il faut préciser que lorsque JLM déclare que la police tue, il sous-entend que les policiers sont des assassins, qu’ils commettent des assassinats, c’est-à-dire, selon les qualifications judiciaires, qu’ils ôtent intentionnellement la vie : qui pourrait soutenir sérieusement une telle affirmation ? Personne – et même pas JLM lui-même, qui sait bien par-devers lui qu’elle est non fondée, mais qui ne l’émet que dans un but : complaire à son électorat islamo-gauchiste. « La police tue » : est-ce qu’après le meurtre de Philippine (21/09/2024) par un marocain dans le bois de Boulogne, il aurait été légitime une seconde de déclarer : « Les immigrés tuent » ? « La police tue » : depuis « Durafour crématoire » avait-on rien entendu de pire ? Mais JLM, tout à son Désir de Pouvoir, ne recule devant rien. Est-il une seconde légitime de reprocher cette « insanité » à MO, c’est-à-dire à celui qui la dénonce ? C’est vraiment le moment de dire que, lorsque le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt. Sans doute est-ce faire trop d’honneur à MO que de le distribuer dans le rôle du sage, mais il reste à propos de dire que lorsqu’il montre la lune à gauche, l’auteur de la lettre a tout l’air de l’idiot qui regarde le doigt d’un MO qu’il rejette à l’extrême-droite en l’accusant d’avoir de la merde sous l’ongle. Chacun appréciera…
D’une façon générale, est-il légitime de crier haro sur MO, d’appeler sur lui la vindicte générale et de le livrer à ce qui apparaît n’être rien de moins qu’un lynchage ? (« Regardez un peu ce pourri : tombez-lui tous dessus ! » Autrement dit, l’auteur ne met pas un discours en question : il envoie un homme au bûcher – l’Inquisition, le fond du Religieux.
Le fond du Religieux ?
C’est justement la haine, la Haine. Or l’auteur de la lettre ne manque pas de la clore sur ce qui constitue le sommet explicite de son accusation, à savoir, justement, « la haine » ; mais on ne peut pas ignorer que le mot, qui a l’air d’être donné là comme la révélation finale, figure déjà dans le cours de la lettre, avec « la haine viscérale » dont témoignerait MO à l’égard de LFI : la question se pose également de savoir si l’auteur de la lettre n’exprime pas une haine non moins viscérale à l’égard de MO. Une autre question surgit : ce journaliste de Blast, se réclamant de cette gauche qui confisque la vérité, le bien, la vertu et le talent, que pense-t-il, que pourrait-il dire du fameux calembour « R.Haine » quand on a entendu la jeunesse de cette gauche scander sous les feux d’artifice : « Il est mort ! Il est mort ! Il est mort ! » avant que tout ne culmine avec « Marine, c’est toi la prochaine ! Marine, c’est toi la prochaine ! » – Mme Mathilde Panot, figure majeure de cette gauche, ayant déclaré qu’elle n’était pas choquée. Où est la haine ? Il est bien difficile de voir en quoi la haine de l’accusateur serait plus ou moins regrettable et dommageable que celle de son accusé – sauf à professer qu’il existe une mauvaise haine et une bonne…
Au total, quel est le crime de MO ? C’est une évidence : il est hors de la bien-pensance et du politiquement correct de “gauche” – il n’est pas à l’unisson de ceux que Philippe Murray appelle « les mutins de Panurge », c’est-à-dire ceux qui constituent cette “gauche” qui à la fois se désire la plus transgressive et impose le conformisme le plus bêlant. L’auteur de la lettre dit que MO a été longtemps un « compagnon de route de la gauche, celle-là même qu’ [il adore] détester aujourd’hui ». Est-ce vrai ? Est-ce juste ? Est-ce qu’en fait MO ne resterait pas le compagnon de route d’une certaine gauche et que c’est pour cette raison même qu’il déteste tout haut la pseudo-gauche ? Là encore, il faut laisser à chacun la possibilité de se déterminer sur la réponse. Ce qui est sûr, c’est que si le macronisme est un désastre, que la droite de Marine Le Pen n’est en rien la solution, il ne faut en rien compter sur la “gauche” que porte l’auteur de la présente lettre pour redresser la situation. Que peut-on attendre en effet d’une gauche qui, à l’heure où tant de combats sont à mener d’urgence, ne trouve rien de plus pressé ni de plus pertinent que de vomir une personnalité qui, aussi discutable qu’elle soit quant à sa qualité philosophique, défend les faibles et les petits, défend le peuple des modestes – c’est là tout son populisme – contre les méfaits de la finance et les dérives des idéologies ? De même que le sommet du Politique ne peut pas être de venir à bout du RN ; de même que le sommet du journalisme ne peut pas être de régler son compte à l’empire Bolloré, de même le sommet sinon de la philosophie du moins de la réflexion politique ne peut pas consister à dézinguer MO.
Mais comme toujours, c’est à chacun de se déterminer au bout de sa réflexion.
Il est possible que le point de vue développé dans ces articles soit erroné ; est-il sûr que celui de l’auteur de cette lettre à MO ne le soit pas ? Qui en décidera ? C’est bien pourquoi il importe de multiplier les sources d’approvisionnement afin de multiplier les angles d’analyse, et ainsi obtenir une vue stéréoscopique et stéréophonique des choses. C’est là une méthode qui relève du Politique, c’est-à-dire une mesure de salubrité publique.
NB. — Il est à remarquer qu’un point n’a pas été traité : celui de l’éventuel effondrement des cultures. C’est là un sujet immense qui demanderait, plus même qu’un simple article, une étude d’une vaste ampleur. Qui veut la mener ?