GAUCHE ET EXTRÊME-GAUCHE

Sans doute y aurait-il beaucoup à dire sur la différence entre « droite » et « extrême-droite » mais il est possible que la tâche soit plus conséquente encore pour déterminer ce qui sépare « gauche » et « extrême-gauche ». Pourtant, dans le cadre de l’AO, il paraît assez facile de cerner quelques points précis sur lesquels se joue se joue cette différence.

L’AO, puisque voyant la source de tout le mal dans le Désir, ne peut que récuser le Pouvoir au profit de l’Autorité. En effet, le Pouvoir est l’objet du Désir d’un seul, Désir que celui-ci impose à la communauté sous forme d’Injonctions arbitraires édictées dans son propre et unique intérêt : c’est le Système. En revanche, l’Autorité relève d’une Ascèse invalidant le Désir au profit des besoins vitaux à la satisfaction desquels doit œuvrer la volonté générale qui s’impose à la communauté sous forme de lois rationnelles édictées par cette communauté dans le seul souci de l’intérêt commun : c’est la République. Le Système met aux prises un/des Dominant(s) et des Dominés ; la République fait collaborer des citoyens – Dominants et Dominés étant des Comparses dans la Rivalité, les citoyens quant à eux étant tous des Individus partenaires dans l’œuvre commune. Dans le Système ne prévaut que la guerre générée par le conflit des Désirs pour les mêmes objets aliénants, Avoir, Pouvoir et gloire ; dans la République ne prévaut que la concorde impliquée par les Volontés individuelles d’adhérer au contrat social conçu pour subvenir aux besoins universels de sécurité et de liberté.

Ce qui revient à dire également que l’AO, contre le Pouvoir au profit de l’Autorité, invalide le Religieux au profit du Politique. En effet, le Désir ne trouve jamais de meilleure expression que dans la formule à la fois obsessionnelle et lapidaire du Comparse : « Moi ! Moi ! Moi ! » Autrement dit, les trois objets du Désir étant visés : « C’est moi et uniquement moi qui dois être le plus riche, le plus fort et le plus beau ! » autrement dit qui doit siéger au sommet du Système dans l’opulence, l’omnipotence et la magnificence. C’est ainsi pour le Comparse faire de soi-même une idole et bientôt un dieu, idole qu’il faut adorer et dieu qu’il faut révérer, l’adoration étant justifiée par l’idéologie (« Je suis le meilleur, je suis le mieux né, etc. ») et la révérence par le Mythe (« Je suis le lieutenant de Dieu sur terre, j’ai reçu mission de Dieu, etc. » – idéologie et Mythe requérant bien sûr un « croire ». C’est ainsi que l’AO conçoit le Religieux et qu’elle l’oppose au Politique qui tient au contraire tout entier à un savoir, celui du Désir et de ses dangers mortels en même temps que conscience de l’engagement responsable que chacun doit contracter envers lui-même et Autrui pour nourrir ce « Nous » en quoi se ramasse ce bien commun qu’est la souveraineté du peuple. L’AO ne peut que dénoncer l’individualisme inhérent au Désir qui s’impose comme une Transcendance fausse (Moi = Dieu) pour promouvoir la Volonté individuelle dans le concours de toutes les autres qui seul peut édifier la Transcendance vraie (« Nous = l’Homme).

Dès lors, même en ne perdant pas de vue que la République reste à ce jour irréalisée alors que le Système n’est depuis toujours que trop réel, il est facile de saisir la ligne de démarcation et même d’opposition entre gauche et extrême gauche.

Alors que la gauche ne peut travailler, dans la paix, qu’à une Autorité qu’élabore, entretient et enrichit chaque Volonté particulière, l’extrême-gauche ne cesse jamais d’attiser une guerre pour faire valoir le Désir insatiable et intolérant de chacun. Alors que la gauche ne peut que tendre vers la souveraineté du peuple, l’extrême-gauche s’acharne à imposer la tyrannie de l’individu et des minorités. Alors que la gauche trouve son instrument premier dans la Justice et dans le droit sous la forme des lois, l’extrême-gauche ne s’emploie qu’à faire du Désir de chacun un droit et de ce droit une Injonction devant quoi tout le monde doit plier. La gauche est la loi, l’extrême-gauche est le dogme. Si la gauche n’est que respect, l’extrême-gauche n’est qu’arrogance. Quand la gauche n’œuvre qu’à valoriser les Différences, l’extrême-gauche n’a de cesse de faire de chacune d’elles une Distance. Autant la gauche est souple et accueillante à l’Autre, autant l’extrême-gauche est raide et crispée sur son Même. Quand la gauche n’a que des alliés, l’extrême-gauche n’a que des ennemis. La gauche plaide et délibère ; l’extrême-gauche feule et vocifère. La gauche entretient la liberté d’expression, l’extrême-gauche pratique le délit d’opinion ; la gauche réunit, l’extrême-gauche discrimine ; la gauche aime la République, l’extrême-gauche excite ceux qui la détestent ; la gauche se veut réformatrice, l’extrême-gauche se croit révolutionnaire ; la gauche est revendicatrice, l’extrême-gauche est insurrectionnelle.

Inutile d’insister sur tout ce qui apparente l’extrême-gauche à l’extrême-droite puisqu’il n’est plus à démontrer que les extrêmes se rejoignent – en fait elles ne peuvent que s’abîmer ensemble dans le gouffre infernal du Désir.

C’est également sur ce point que peut se repérer et se comprendre ce qui creuse le fossé entre gauche et extrême-gauche plus encore qu’entre droite et extrême-droite. La raison de cette asymétrie a de grandes chances de résider dans le fait que, le magistère moral de la gauche aidant ou imposant voire terrorisant – le cordon sanitaire – l’identité de l’extrême-gauche est en quelque sorte et ne peut être que négative : elle est avant tout sinon même exclusivement anti-fasciste, et elle l’est jusqu’à la fureur voire jusqu’au fanatisme. C’est au point peut-être que si l’extrême-droite n’existait pas, l’extrême-gauche devrait l’inventer pour exister elle-même. C’est cette invention qui se réalise justement sous la forme de la dénonciation forcenée du fascisme et de tous les « fachos ». Si on en revient à la définition du fascisme, c’est-à-dire l’abolition de la souveraineté populaire au profit d’un régime dictatorial, avec, en plus d’un chef tout puissant et charismatique, un parti unique, un état policier, la police de la pensée et des mœurs, l’opposition muselée et criminalisée, les dissidents arrêtés, psychiatrisés voire éliminés, etc. ; si on s’en tient à cette définition donc et qu’on examine à sa lumière le programme du RN, même si on n’a pas la naïveté de croire qu’un programme est fait pour être respecté, on ne voit pas qu’aucune mesure figurant dans ce programme réponde à la définition du fascisme. D’aucuns affirment cependant que, sous des dehors démocratisés, c’est exactement ce que souhaite le RN. Or ce souhait n’étant pas lisible dans le programme, cette affirmation ne semble possible qu’à une condition ou à une autre : soit elle sort d’une enquête menée par des gens qui ont réussi à infiltrer le mouvement, à pénétrer jusqu’en son cœur, à surprendre et à enregistrer les conciliabules internes au Saint des saints et faisant état formellement de cette intention ; soit cette affirmation ne peut procéder que d’une propagande et à ce titre rejoint le fameux autant que dérisoire calembour « R-haine ». Dans le premier cas, les infiltrés fournissent leurs preuves et nourrissent un savoir ; dans le deuxième cas, les accusateurs font dans un péremptoire qui n’exige que de croire.

La gauche n’a de règle que l’exigence de conscience quand l’extrême-gauche n’assène que l’Injonction de croyance.

En fait, la gauche assume la réalité quand l’extrême-gauche lui substitue l’idéologie. C’est ainsi que la gauche voit bien du fascisme ou des traits fascistes en France mais elle les détecte dans les minorités que défend l’extrême-gauche, à savoir le wokisme, police de la pensée, et l’islamisme, police des mœurs, quand l’extrême-gauche quant à elle martèle que ces mouvements, en dépit de leurs manifestations multiples et spectaculaires, n’existent pas, que ce ne sont que fantasmes d’extrême-droite, l’extrême-droite à laquelle ils réservent l’exclusivité voire le Privilège du fascisme. C’est ainsi que la gauche déplore l’assassinat d’un prêtre dans son église de même que celui d’un musulman dans une mosquée, et que l’extrême-gauche ignore totalement le premier et verse des larmes publiques sur le second. C’est ainsi que la gauche voit les massacres perpétrés par le Hamas le 7 octobre 2023 et les massacres en réponse perpétrés par Israël dans Gaza depuis cette date, alors que l’extrême-gauche voit d’un côté un mouvement de résistance dans le 7 octobre et de l’autre un génocide en cours depuis lors.

Et ainsi pourrait-on multiplier les exemples.

À ces exemples s’ajoute une remarque : tout bien considéré, quant à la définition du fascisme rappelée ci-dessus, il apparaît que J.-L. Mélanchon et LFI y correspondent parfaitement — la confusion des extrêmes…

Dans le cadre de l’AO, on ne peut que choisir la gauche, bien qu’à l’instar de la République elle n’ait jamais été réalisée, bien loin de se reconnaître dans la gauche extrême, laquelle comme le Système n’a que trop de réalité, cette gauche extrême c’est-à-dire excessive sinon abusive, hostile au peuple, islamiste autant que possible, wokiste sans l’admettre et en quelque sorte ivre sinon folle d’elle-même.

Cependant, s’il est bien certain qu’il appartient à chacun d’opter pour gauche ou extrême-gauche, il ne faut pas ignorer les mille nuances qui peuplent l’intervalle entre les deux pôles, nuances qui ne peuvent que rendre d’autant plus difficile un choix responsable et avisé.

À vos consciences !

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